BIODIV'AMU

Flambé et abeille
Flambé sur brin de lavande [Description]

Un flambé butine des fleurs de lavande, une abeille vole juste derrière lui

La question de la biodiversité est devenue centrale au niveau planétaire car elle est en grand danger. Nous devons aussi être conscients que l'atteinte à la biodiversité est une cause directe de la pandémie qui nous frappe.
Chacun peut apporter sa contribution à la préservation de la biodiversité à la mesure de ses disponibilités et intérêts; sa préservation est l'affaire de chacun, a minima dans son périmètre vital. Mais cette biodiversité, il faut être capable de l'appréhender, de l'identifier. On prend soin plus volontiers de ce que l'on aime et pour aimer il faut connaître. C'est pourquoi la mission Biodiv'AMU, attachée à la Présidence de notre université, se donne pour objectif de mobiliser l'ensemble des étudiants et des personnels de nos campus sur cette cause essentielle. Nous voulons impliquer un maximum de nos campus à travers notamment des actions de sciences participatives de type inventaires, des ateliers de terrain, des espaces de nature partagés, des conférences, l'exploitation et la production d'aliments naturels (produits de la ruche, huile d'olive), des potagers participatifs, et toute autre initiative. Des activités pilotées par des associations existent déjà sur plusieurs campus. Notre objectif est de fédérer les énergies, encourager les initiatives existantes et les généraliser à l'échelle de notre grande université.

« Une seule espèce est responsable de la pandémie de Covid-19 : la nôtre », (J.  Settele, S. Díaz, E. Brondizio et P. Daszak, communiqué de l'IPBES, le 27 avril 2020).

Qu’est-ce que la biodiversité ?

Dans notre société de communication, certains mots deviennent des emblèmes de causes à défendre ou à combattre. Le processus d’appropriation symbolique de ces mots par le grand public conduit à des dérives. Le concept de biodiversité est un parfait exemple de ce risque de « floutage » sémantique quand les médias s’en emparent.

Pour un non-spécialiste, la biodiversité c’est souvent la possibilité d’observer autour de lui beaucoup d’espèces animales et végétales. Cette définition implicite a une connotation « décorative » et le désir de préserver cette diversité du vivant pourra être contesté sans peine par celles et ceux qui estimeront que la disparition de quelques espèces ne dérangera que les naturalistes « conservateurs » soucieux de conserver l’intégrité du « catalogue » du vivant comme on conserve soigneusement une collection muséale. Il y a cette idée que le progrès passe inévitablement par un peu de « casse » dans le vivant qu’il soit non-humain ou même parfois humain (cf. les nombreux scandales sanitaires liés aux pesticides dans les pays du Sud).

Le dérèglement climatique, l’autre grande cause écologique plus médiatisée et donnant lieu à une prise de conscience planétaire a l’avantage de pouvoir se traduire en chiffres intelligibles par tout un chacun. Prédire quelques degrés de plus en moyenne parle à tout le monde car cela fait référence à une expérience sensible partagée. De plus, il est plus facile d’obtenir d’un état ou d’une grande entreprise de faire « un geste » pour le climat en agissant sur la baisse de la consommation d’énergies fossiles que d’agir pour la biodiversité qui est impactée de façon bien plus variée et insidieuse par des actions délétères s’exerçant à différents niveaux. La déforestation, l'expansion de l'agriculture intensive, l'exploitation minière et le développement des infrastructures, ainsi que l'exploitation des espèces sauvages, sont autant d’atteintes à la biodiversité répondant à des nécessités économiques et sociales, voire culturelles. Il ne suffira donc pas de lutter contre le changement climatique pour ipso facto résoudre la question de l’atteinte à l’environnement.

Traduire l‘érosion de la biodiversité en chiffres donne le vertige : 10% des espèces d’insectes et 25% de la totalité des espèces sont menacées de disparition à moyen et court terme. Le taux de disparition des espèces est 100 à 1000 fois supérieur au taux naturel d’extinction. En France, 19% des espèces sont menacées ou éteintes.
Pour comprendre pourquoi il faut préserver la biodiversité, d’abord bien la définir : diversité de l’ensemble du vivant ainsi que toutes les relations et les interactions qui existent, d’une part, entre les organismes vivants eux-mêmes, et, d’autre part, entre ces organismes et leurs milieux de vie.  La biodiversité est donc indissociable d’écosystèmes qui ont évolué durant des centaines de milliers d’années. On peut distinguer trois niveaux de biodiversité : celles des individus (diversité génétique), des espèces (diversité spécifique) ou des milieux de vie (diversité écosystémique). La diversité génétique permet de s’adapter aux changements environnementaux et d’assurer ainsi la survie du vivant.

Pourquoi préserver la biodiversité ?

Beaucoup d’espèces ont un impact immédiat et quantifiable sur l’environnement ; prenons l’exemple des insectes pollinisateurs dont la disparition déstabiliserait irrémédiablement les écosystèmes. D’autres espèces semblent avoir un impact plus limité dans leur écosystème ; mais il est quasi impossible d’anticiper les effets en cascade produits par la disparition d’une espèce ou la prolifération incontrôlée d’une autre. La particularité de l’espèce humaine est son impact délétère à très court terme sur certaines espèces, ce qui ne permet pas à l’écosystème de retrouver rapidement un équilibre vertueux.

Deux exemples de la conséquence d’impacts humains négatifs sur la biodiversité :

  • Concernant la déforestation, il est inductif de penser que faire reculer la forêt en zone tropicale c’est aussi éradiquer le paludisme. Au contraire, une recherche a montré qu’une augmentation de 10% de la déforestation, soit environ 1600 kilomètres carrés de coupes forestières supplémentaires, entraînait une augmentation de 3,3% du taux de transmission du paludisme (MacDonald, 2008).
  • L’utilisation de pesticides par l’agriculture a depuis longtemps gravement impacté les espèces. Les effets des pesticides organochlorés, le di-chloro-diphényl-trichloro-éthane (DDT) en particulier, sont bien connus sur le Faucon pèlerin. Le DDT exerce plusieurs actions délétères : lésions du système nerveux entraînant des comportements inadaptés défavorables à l’espèce, stérilité ou mortalité directe, dérèglements des transferts de calcium des coquilles des œufs entraînant une baisse de la densité voire un amincissement de la coquille (bris plus fréquents) et, à un moindre degré, une action tératogène sur les embryons et les jeunes (Ratcliffe, 1993). L’exemple du faucon pèlerin illustre parfaitement comment une substance physique sans effet immédiat sur le climat peut altérer de façon grave la survie d’une espèce, à l’image des néonicotinoïdes pour les abeilles.

La pandémie actuelle, une conséquence majeure de l’érosion de la biodiversité.

En référence à la phrase d’introduction, nous pouvons considérer que différents processus ont créé les "conditions parfaites" pour la propagation des maladies de la faune aux humains :
•    La destruction des milieux - donc des écosystèmes - aboutissant à la mise en circulation d’organismes vivants – dont des pathogènes – auparavant neutralisés par des relations biologiques stables depuis des millénaires.
•    La déforestation et l'artificialisation des sols, en les privant de nourriture, amènent de nombreuses espèces sauvages à se rapprocher des zones urbaines.
•    Le rapprochement entre (i) L’élevage intensif d’espèces domestiquées appauvries génétiquement et vulnérables à de nombreuses pathologies : par ignorance de la génétique, on sélectionne involontairement la capacité de certaines espèces à porter des agents pathogènes potentiellement mutables, et, (ii) l’exploitation d’espèces sauvages capturées et/ou élevées pour la consommation humaine ou la fourrure souvent entassées dans des conditions où le stress, à travers la dépression du système immunitaire, favorise la circulation d’agents pathogènes « inédits » dans les zones urbanisées.
•    Le transfert entre espèces et la mutation des agents pathogènes qui atteignent l’homme avec de potentiels variants/mutants en devenir.
•    La croissance explosive depuis quelques décennies des voyages longues distances, augmentent indirectement le risque de mutations imprévisibles en transférant les agents pathogènes dans des écosystèmes radicalement différents de ceux d’origine, augmentant ainsi le caractère aléatoire de leurs mutations.
« On estime que 1,7 million de virus non identifiés du type connu pour infecter les humains sont présents chez les mammifères et les oiseaux aquatiques. N'importe lequel d'entre eux pourrait constituer la prochaine "maladie X" - potentiellement encore plus perturbatrice et mortelle que le Covid-19 » (Settele, 2020)

La biodiversité : la connaître pour la préserver

Une fois mis l’accent sur la nature de la biodiversité et la nécessité de la préserver, reste que celle-ci n’est pas facile à appréhender pour les non spécialistes. Ce point est important car pour être motivé à prendre en compte des êtres vivants, encore faut-il être capable de les identifier pour les décrire et les voir évoluer. Les premiers pas de l’apprenti naturaliste sont toujours gratifiants car les découvertes et mises en relation entre espèces sont innombrables. Mais l’activité d’inventaire devient rapidement une affaire de spécialistes et il peut être intéressant, notamment via les programmes de sciences participatives, de la rendre accessible au plus grand nombre. D’autre part, il est judicieux de déployer une activité sur un lieu partagé, celui des campus d’Aix-Marseille Université. Ces lieux dévolus à nos activités professionnelles sont très divers. Pour ne prendre que Marseille, entre le campus de Saint Charles et celui de Luminy, la part de l’environnement est radicalement différente. Pourtant, même le campus le plus urbanisé peut receler des richesses biologiques notables.

La mission Biodiv’AMU en s’appuyant sur les initiatives existantes se donne pour vocation de sensibiliser les personnels et les étudiants à la biodiversité de proximité. Les actions vont reposer sur l’aménagement et la semi-sanctuarisation de certains espaces naturels, sur une pratique de sciences participatives autour d’inventaires floristiques et faunistiques, des animations de campus, une page web évolutive avec de l’information des rubriques attractives (ex. espèce du mois) et la liste n’est pas close. Cette mission entend également peser sur la stratégie d’aménagement d’AMU en favorisant les projets prenant en compte le maintien et le développement de la biodiversité.

Liens utiles

Les bilans des inventaires oiseaux de nos campus sont disponibles

https://www.univ-amu.fr/fr/public/bilan-civis-birds-our-campuses-spring-2023

Observatoires, inventaires biodiversité:

  • iNaturalist:  https://www.inaturalist.org/ est la plate forme qui s'impose de plus en plus car très conviviale pour une utilisation fluide et simple. "Toute observation peut contribuer à l'étude de la biodiversité, du papillon le plus rare à la mauvaise herbe de jardin la plus courante. Nous partageons vos découvertes avec les bases de données scientifique comme le système mondial d'informations sur la biodiversité pour aider les scientifiques à trouver et à utiliser vos données. Tout ce que vous avez à faire c'est d’observer."
  • INPN, Inventaire National du Patrimoine Naturel. C'est le site de référence émanant de la banque de données du Muséum National d'Histoire Naturelle vers laquelle le plus grand flux de données des inventaires faunistiques et floristiques convergent. Les applications smartphone dédiées sont : INPN espèces (débutants), CarNat (plus aguerris)
  • SIB, Système d'Information sur la Biodiversité de Nature France qui a pour objectif de fédérer toutes les données disponibles et mobilisables sur la biodiversité en France, afin d’améliorer leur accessibilité et leur réutilisation.
  • Conservatoire d'espaces naturels Provence Alpes côte d'Azur

Organismes, associations:

  • UICN, est le réseau des organismes et des experts de l’Union internationale pour la conservation de la nature. L'UICN France regroupe les principales associations impliquées dans la protection de la nature. Marseille accueille le prochain congrès UICN en septembre:
  • SNPN, Société Nationale de Protection de la Nature, doyenne des associations de protection de la nature de France, a pour mission la protection des espaces et des espèces sauvages, en s’appuyant sur les fondements scientifiques de l’écologie et de la biologie de la conservation:
  • LPO, Ligue pour la Protection des Oiseaux, œuvre au quotidien pour la protection des espèces, la préservation des espaces et pour l'éducation et la sensibilisation à l'environnement, première association de protection de la nature en France pour le nombre d'adhérents et de salariés.
  • ANUMA, l'Association des Etudiants Naturalistes de Marseille composée principalement des étudiants des formations de biologie et d'écologie du campus de Saint Jérôme de Marseille. A pour objectif le partage et l’amélioration de connaissances naturalistes entre étudiants, chercheurs et toutes personnes ayant un intérêt pour la nature au sein de la communauté naturaliste et universitaire de Marseille.

Liens académiques laboratoires de recherches, UFR AMU:

  • IMBE, Institut Méditerranéen de Biodiversité et d'Ecologie marine et continentale, dédié à l'étude de la biodiversité, tutelles d’Aix-Marseille Université, Avignon Université, le CNRS et l’IRD
  • LPED, Laboratoire Population, Environnement, Développement, à vocation interdisciplinaire pour le développement des recherches à l’interface entre Sciences de la Société et Sciences de l’Environnement, tutelles Aix-Marseille Université et IRD
  • Institut Pythéas, Observatoire des Sciences de l'Univers, avec le master BEE (Biodiversité, Ecologie, Evolution)

Vidéos :

Biodiversité et pandémie: quels liens et quelles solutions? - Gilles Boeuf

Covid-19 ou la pandémie d'une biodiversité maltraitée - Muséum National d'Histoire Naturelle

Contact

Pascal Carlier
Maître de conférences à la Faculté des Sciences du Sport d'AMU, docteur en éthologie de l'Université Paul Sabatier de Toulouse, Chargé de mission Biodiv'AMU, Administrateur de la Société Nationale de Protection de la Nature
Courriel : pascal.carlier[at]univ-amu.fr

Mots-clés
Biodiversité
Sciences participatives
Inventaires