Recherche - Un puits de CO2 dans le désert marin du Pacifique Sud

Capture d'écran du communiqué de presse "Un puits de CO2 découvert dans l'Océan Pacifique Sud"

Un processus nouvellement identifié de fertilisation naturelle en fer dans l’océan alimente des puits régionaux de CO₂. C’est ce que démontre une étude publiée le 25 mai dans Science et co-écrite par 25 chercheurs et chercheuses issus du projet Tonga piloté par l’IRD et le CNRS, regroupant plus de 90 scientifiques de 14 laboratoires français basés en métropole et en Nouvelle-Calédonie, et de 6 universités internationales.

Dans cet article, l’équipe de recherche ont étudié les volcans sous-marins peu profonds de l’arc volcanique de Tonga (Pacifique Sud), qui relarguent des fluides hydrothermaux riches en fer, un micronutriment essentiel à la vie. Une partie du fer émis dans ces fluides atteint la couche éclairée de l’océan, celle où se fait la photosynthèse c’est-à-dire la fixation du CO₂ par les microalgues du plancton. Cela stimule fortement l’activité biologique dans cette zone, notamment celle des diazotrophes*, créant ainsi une vaste efflorescence d’environ 400 000 km2, véritable oasis de vie au milieu du désert marin du Pacifique Sud, et une séquestration accrue de CO2 vers l’océan profond.

Pour documenter le lien mécanique entre l'apport de fer par le volcanisme sous-marin et la réponse de la communauté planctonique de surface, les chercheurs et chercheuses ont combiné des observations acoustiques, chimiques, physiques et biologiques acquises au cours de l’expédition océanographique TONGA, réalisée en 2019 à bord du navire L’Atalante.

Dans cette étude, les scientifiques démontrent que les fluides émis le long de l'arc volcanique Tonga ont un impact considérable sur les concentrations de fer dans la couche photique. Cet enrichissement stimule l'activité biologique, ce qui entraîne la formation d'une vaste région riche en chlorophylle, dominée par le diazotrophe Trichodesmium. En comparaison avec les eaux adjacentes non fertilisées en fer, l'activité des diazotrophes y est 2 à 8 fois plus élevée et les flux de séquestration de carbone dans l’océan profond 2 à 3 fois. Ces résultats révèlent un mécanisme de fertilisation naturelle par le fer dans l'océan par les sources hydrothermales, qui alimente les puits régionaux de CO2 atmosphérique.

Les diazotrophes planctoniques sont des organismes microscopiques omniprésents dans l'océan. Ils jouent un rôle crucial puisqu’ils agissent comme des engrais naturels de l’océan en fournissant de l'azote nouvellement disponible à la biosphère, un nutriment essentiel, mais rare dans la plupart de nos océans. Le Pacifique Sud subtropical occidental est un haut lieu de l'activité de diazotrophe, avec une contribution estimée à 21 % de l'apport mondial d'azote fixe.

On sait que l'apport de fer par le biais des dépôts atmosphériques contrôle la biogéographie des diazotrophes à grande échelle, mais ces apports éoliens sont extrêmement faibles dans cette région éloignée. Cela suggère la présence d'autres processus de fertilisation en fer, tel que celui mis ici en évidence pour la première fois. L'identification de ces processus est de la plus haute importance, car les diazotrophes ont récemment été identifiés comme des moteurs clés de la future productivité primaire marine nette en réponse au changement climatique.

*Micro-organismes capables de se développer sans sources externes d'azote fixe.
 

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Référence

Sophie Bonnet, Cécile Guieu, Vincent Taillandier, Cédric Boulart, Pascale Bouruet-Aubertot, Frédéric Gazeau, Carla Scalabrin, Matthieu Bressac, Angela N. Knapp, Yannis Cuypers, David González-Santana, Heather J. Forrer, Jean-Michel Grisoni, Olivier Grosso, Jérémie Habasque, Mercedes Jardin-Camps, Nathalie Leblond, Frédéric Le Moigne, Anne Lebourges-Dhaussy, Caroline Lory, Sandra Nunige, Elvira Pulido-Villena, Andrea L. Rizzo, Géraldine Sarthou, Chloé Tilliette.

Institut méditerranéen d'océanologie (CNRS/Aix-Marseille Université/IRD/Université de Toulon), Laboratoire d'océanographie de Villefranche (CNRS/Sorbonne Université), Laboratoire Adaptation et diversité en milieu marin (CNRS/SU), Laboratoire d'océanographie et du climat : expérimentations et approches numériques (CNRS/IRD/MNHN/SU), Laboratoire Geo-ocean (CNRS/Ifremer/UBO), Laboratoire des sciences de l'environnement marin (CNRS/IRD/Ifremer/UBO), Institut de la Mer de Villefranche (CNRS/SU).

Natural iron fertilization by shallow hydrothermal sources fuels diazotroph blooms in the Ocean, Science, 25 mai 2023.

Contact

Contacts chercheurs

  • Sophie Bonnet, Directrice de recherche à l’IRD, Institut Méditerranéen d’Océanologie (M.I.O) – sophie.bonnet[at]mio.osupytheas.fr
  • Cécile Guieu, Directrice de recherche au CNRS, Laboratoire d’Océanographie de Villefranche - cecile.guieu[at]imev-mer.fr

Contacts presse

  • IRD : Charlotte Gabet – presse[at]ird.fr – 06 07 36 84 06
  • CNRS : presse[at]cnrs.fr – 01 44 96 51 51
  • Sorbonne Université : Pauline Ponchaux – pauline.ponchaux[at]sorbonne-universite.fr - 01 44 27 24 53
  • Aix-Marseille Université : fanny.trifilieff[at]univ-amu.fr

Mots-clés
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